Classics

Portrait

Christian Papazoglakis : « Dessiner des bagnoles, c’était ringard aux yeux de mes profs »

Photos : Jean-Jacques Procureur et Andre Stavrakis
Papazoglakis Par Stanislav Dobak

Christian Papazoglakis. Un nom et un coup de crayon qui ne vous sont pas inconnus si vous êtes fan de sport automobile – ou d’automobile au sens large – et de bande dessinée. Depuis une dizaine d’années, ce Belge est l’illustrateur principal de la collection ″Plein Gaz″ aux éditions Glénat. La plupart des ouvrages historiques sur les 24 Heures du Mans, c’est lui. Les magnifiques BD sur Ayrton Senna ou Colin Chapman, c’est lui. Le Prix de la Vitesse (de l’espionnage industriel dans les compétitions moto sur fond de guerre froide) ou Les Frères Rodriguez, c’est encore lui ! Et on en passe… Avec 19 albums en une décennie environ, Christian Papazoglakis est devenu un acteur incontournable du 9e art en version vrombissante. Rencontre exclusive avec l’auteur de la carte de vœux 2023 du Belgian VW Club.

« Ce n’est pas très original, mais j’ai fait des études de bande dessinée à St-Luc, à Bruxelles », confie ce jeune cinquantenaire au moment d’évoquer son parcours. « Très jeune, je dessinais déjà des voitures dans mes cahiers d’école. Ça me passionnait… Paradoxalement, je dois pourtant dire que c’était assez mal vu quand j’étais à St-Luc. Les bagnoles, c’était ringard aux yeux des professeurs… »

Mais la passion a toujours gardé le dessus. « J’ai beaucoup de mal à vous dire d’où me vient mon amour pour le sport automobile », glisse-t-il en remontant le temps. « Je viens d’une petite famille bruxelloise ayant peu de moyens et je ne suis jamais allé sur un circuit avec mes parents. Suite à la catastrophe des 24 Heures du Mans 1955 (lorsqu’une voiture était rentrée dans la foule, NDLR), ma mère était terrorisée à l’idée que je puisse aller voir une course. Moi, ça me fascinait, sûrement pour le côté exclusif, spectaculaire, luxueux, inatteignable… La toute première fois que j’ai vu du sport automobile autrement que par un écran interposé, c’était à Zolder en 2002, alors que j’avais déjà 33 ans. »

Assis sur le moteur d’une Volkswagen 411

Les premiers souvenirs d’automobile sont donc ceux des voitures familiales. « Mon père a toujours roulé en Volkswagen », confie Christian avec une pointe de nostalgie. « Il y a d’abord eu la 411. Avec mon frère, nous étions assis sur le moteur 4 cylindres à plat qui se trouvait à l’arrière. Nous ressentions toutes les vibrations liées au bloc de 1600cc. Nous avions été d’autant plus impressionnés lorsque la 411 a laissé la place à une Passat de la première génération, en 1976. On avait une sensation de calme et d’espace… C’est la voiture de nos premiers longs trajets pour aller en vacances dans le sud de la France. Puis nous avons eu la Passat de la deuxième génération, qui représentait une forme d’ascension sociale… Avant tout, la voiture a toujours été pour moi un symbole de liberté. »

Comme de nombreux artistes, Christian Papazoglakis a eu besoin d’un peu de temps avant de se faire reconnaitre. « On peut même dire que j’ai galéré », affirme-t-il avec une franchise et une humilité désarmantes. « Parmi mes modèles, il y avait Clovis, dont j’avais découvert les dessins notamment via les revues du Belgian VW Club que nous recevions à la maison. Au début de ma carrière c’était presque frustrant tellement on voyait Clovis partout. (Il rit, NDLR) Ceci dit, Claude m’a ensuite beaucoup aidé quand je me suis lancé comme freelance. Je lui en suis très reconnaissant et sa disparition m’a beaucoup touché. »

Dans la foulée de ses études à St-Luc, Christian met une dizaine d’années avant de toucher son rêve du doigt. « Après avoir fait du travail de graphisme, de lettrage ou de découpe, j’ai commencé à travailler comme petite main chez Graton Éditeur à la fin des années ’90 », raconte-t-il. « Au sein de la maison d’édition de Michel Vaillant, je travaillais principalement sur la numérisation et la restauration des anciens albums. En tant que passionné de sport auto et de BD, c’était une première étape dans ma carrière. »

C’est pourtant douze ans plus tard, en 2010, que le parcours de Christian Papazoglakis prend un virage capital. « Mon travail chez Graton était terminé et, un jour, Frédéric Mangé m’a demandé si je voulais participer au lancement de la collection Plein Gazchez Glénat. Avec mon ami dessinateur Robert Paquet, avec qui j’ai collaboré sur de nombreux albums, j’ai donc été là dès les prémisses… Nous avons commencé à travailler en 2011 et les premiers albums sont sortis en 2012. »

Le Mans en fil rouge

Mixant au départ des œuvres faisant référence à l’historique et des BD plus tournées vers la fiction, la collection a tout de suite décollé. « Clairement, ce sont les œuvres liées à l’histoire de l’automobile – et plus encore du sport automobile – qui ont rencontré le plus de succès. Tout en créant un personnage de fiction, Harry Octane, j’ai travaillé sur les albums relatant la vie de Colin Chapman, puis celui sur Ayrton Senna. Ensuite, nous avons abordé l’histoire de certains épisodes des 24 Heures du Mans, souvent des périodes de quelques années. Il y a notamment eu le duel Ferrari-Ford de 1964 à 1967, puis les années 1968-1969 avec la première victoire de Jacky Ickx, etc. Aujourd’hui, c’est mon occupation principale puisque l’on sort un album tous les ans, chaque fois juste avant les 24 Heures. Cela signifie que je suis fortement occupé sur cet album de septembre à avril. Actuellement, nous préparons une BD sur le centenaire de cette course mythique, qui sera fêté en 2023. »

Si la collection avait comme but initial de faire travailler divers artistes, force est de constater que l’éditeur – Glénat – s’est souvent concentré sur le même duo, composé de Denis Bernard pour le scénario et de Christian Papazoglakis pour le dessin. « Il faut croire que c’est un couple qui fonctionne bien », sourit le Belge. « Denis est très pointilleux et il est très attaché aux détails historiques. Moi j’aime aussi que l’histoire soit vivante, incarnée, ludique… Nous apportons tous les deux nos sensibilités et c’est très plaisant. »

Au-delà de la collection ″Plein Gaz″, Christian voit sa notoriété grandir de jour en jour et il peut exprimer son talent dans différents projets, à l’image de la carte de vœux 2023 du Belgian VW Club. « Je dois reconnaître que la collection Plein Gaz est une très belle vitrine », glisse ce Bruxellois de 53 ans ayant atteint son rêve en vivant uniquement de son art. « J’ai énormément de chance d’y être arrivé. Pour être honnête, c’est aussi une forme de soulagement. Je voulais me prouver – et prouver à tous ceux qui en ont un jour douté – que c’était encore possible de vivre de la bande dessinée. Et que peut-on vouloir de plus que de vivre de sa passion ? »

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